Le scénario perdu de Dune de Ridley Scott retrouvé

Quarante ans après la sortie controversée de l'adaptation de Dune par David Lynch, un scénario enfoui refait surface. Découvert dans les archives obscures d'une université, la vision abandonnée de Ridley Scott dans les années 1980 dévoile une approche plus sombre et mystique du roman de Frank Herbert – avec des navigateurs mutants, des chasseurs-cerveaux biologiques, et l'absence surprenante des chevauchées de vers des sables.

Le Dune inachevé qui aurait pu être

Alors que les récentes adaptations de Denis Villeneuve privilégiaient la critique des figures messianiques par Herbert, la version de Scott – écrite par le scénariste contestataire Rudy Wurlitzer – s'aventurait dans un territoire psychédélique inédit. Le scénario s'ouvre sur le jeune Paul Atréides subissant un entraînement Bene Gesserit brutal dès sept ans, établissant un protagoniste bien plus impitoyable que les interprétations de Kyle MacLachlan ou Timothée Chalamet.

"Paul émerge comme quelqu'un qui assume déjà sa terrible destinée", note Stephen Scarlata, producteur du documentaire sur Jodorowsky's Dune. "Aucune trace de l'hésitation présente dans les autres versions."

Un univers à part entière

La divergence la plus radicale survient tôt – la mort soudaine de l'Empereur déclenche le transfert d'Arrakis plutôt qu'un complot politique. Wurlitzer défend ce choix dans Prevue Magazine : "Une adaptation implique parfois une distillation plutôt qu'une transcription." Les Navigateurs de la Guilde apparaissent ici dramatiquement mutés (précédant leur introduction dans Le Messie de Dune), traçant leurs routes sous transe chimique.

"On reconnaît partout la patte de Scott", observe Ian Fried, scénariste de Spectral chez Legendary. "Des collecteurs d'humidité inspirés de Bosch aux paysages industriels façon Blade Runner, son génie visuel aurait redéfini le cinéma de science-fiction." Le scénario se lit comme un rêve fiévreux où la féodalité médiévale affronte le mysticisme spatial.

La bataille qui n'eut jamais lieu

Les scènes d'action témoignent de l'intensité caractéristique de Scott – des assassins Harkonnen submergent le château Caladan dans un bain de sang ; Paul affronte des chasseurs-cerveaux semblables à des chauves-souris ; Duncan Idaho manie la hache comme Conan lors d'une rixe de bar. "Moins un space-opéra qu'un western samouraï", commente Scarlata.

La cérémonie de l'Eau de Vie aurait pu devenir son moment culte – avec un chaman androgyne exécutant une danse érotique avec un ver des sables vivant avant d'en transformer l'essence. Curieusement absente cependant : l'embarquement épique de Paul sur un ver géant, pourtant expressément demandé par Herbert.

Un héritage inabouti

Ce qui frappe, c'est comment le scénario de Wurlitzer – retrouvé parmi les archives du scénariste Coleman Luck – anticipe des thèmes que Villeneuve explorerait des décennies plus tard. "La dévastation écologique y semble urgemment palpable", remarque Fried. "On comprend parfaitement pourquoi les Fremen se battent."

Scott finit par quitter le projet pour Blade Runner, laissant derrière lui des esquisses conceptuelles dont les meubles Harkonnen squelettiques de H.R. Giger. Son Dune inachevé demeure le plus grand "et si..." du cinéma – une interprétation psychédélique et réservée aux adultes qui aurait pu révolutionner la science-fiction.